Inondations à Abidjan : 18 morts, hommage de Guillaume Soro à Mohamed Delmas

by Kohan Kioshiko

En début de matinée, le bilan des inondations à Abidjan était de 10 morts, mais il n’agissait de toute évidence que de chiffres provisoires, étant donné que les secours étaient toujours mobilisés pour venir en aide aux personnes sinistrées. Pour l’heure, difficile de savoir combien de temps dureront les opérations de sauvetage, mais le GSPM risque de rester en alerte pour toute la semaine pour d’éventuelles interventions dans les zones sinistrées. Dans la soirée, le dernier bilan faisait état de 19 décès parmi lesquels un bébé et aussi une personnalité proche du président de l’Assemblée Nationale, Mr Mohamed Delmas.

Le bilan actuel des inondations à Abidjan est passé à 19 morts, un bilan qui malheureusement pourrait encore être plus amer pour les abidjanais. Dans la nuit du lundi 18 au mardi 19 juin, les populations de Cocody, plus précisément les habitants des quartiers Riviera Palmeraie, Alabra, Riviera Bonoumin, n’ont pas fermé l’œil. Pour cause, de graves pluies diluviennes qui au passage ont fait d’énormes dégâts matériels. Le Groupement des Sapeurs-Pompiers militaires mobilisé depuis 2h45, a poursuivi ses opérations de sauvetage durant toute la journée. Dans la matinée du mardi, vers 8h45 plus précisément, le GSPM fait état d’un bilan partiel de 10 morts et de 110 personnes secourus en conditions parfois extrêmes. Mais en début d’après-midi, le bilan en question a été revu à la hausse par le ministre de l’intérieur, qui annonçait lui 15 décès. Mais quelques heures plus tard, le groupement des sapeurs-pompiers militaires établissait un nouveau bilan encore plus lourd en pertes humaines. Selon les chiffres révélés par le GSPM, 18 cas de décès ont été officiellement recensés. 136 personnes ont été sorties des zones sinistrées puis placées en sécurité et deux blessés évacués au CHU de Yopougon pour une prise en charge. Le nombre de cadavre devrait encore s’alourdir car des internautes ivoiriens ont posté la photo d’un enfant décédé dans ces inondations sur la toile, afin que ses parents puissent l’identifier. Parmi les victimes, un bébé mais aussi un proche de Guillaume Soro, le président de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire. Mohamed Delmas, l’un des collaborateurs du PAN à l’hémicycle ivoirien, a trouvé la mort ce mardi piégé dans les inondations à Abidjan. Sa dépouille a été extraite dans la journée de ce mardi à bord de son véhicule qui avait été emporté par les eaux pluvieuses. D’après les premiers témoignages, Mohamed Delmas se rendait à son service ce matin lorsqu’il a été confronté aux eaux pluvieuses. Voulant se frayer un chemin à tous les prix, le collaborateur de Guillaume Soro a malheureusement été emporté par les eaux de pluies avant d’être coincé dans les caniveaux. Ce n’est qu’après la baisse du courant que les populations ont accouru près du véhicule pour découvrir hélas le corps sans vie du collaborateur de Guillaume Soro, le président de l’Assemblée Nationale. Ce dernier a par ailleurs réagi au décès de son collaborateur dans la soirée en lui rendant un vibrant hommage.

L’hommage de Guillaume Soro à Delmas

« Ce mardi est un jour funeste et le demeurera pour longtemps dans nos mémoires. Quel sinistre pour le pays! Quelle tragédie pour l’Assemblée nationale! Quelle douleur pour moi! Joyeux, je me suis réveillé, prêt à entamer une autre journée de labeur. Et des nouvelles de la ville me parviennent. Macabres. Abidjan subit une inondation majeure. Plusieurs quartiers sont sous les eaux. Des morts sont comptés. Des biens détruits. Mais j’étais loin de m’imaginer que ce drame me frapperait aussi directement et aussi cruellement. Hier, lundi je revoyais mon cher ami et compagnon Konaté Mamadou dit Delmas, plein de vie. Comme à l’accoutumée, je lui fais une blague et nous en rions de bon coeur. Je ne savais pas que ce serait la dernière. Ce matin, au moment où les eaux se retirent, j’appelle mon Chef de cabinet pour m’assurer de mes audiences. Sa voix est plutôt bizarre, me suis-je dit. Dans un bégaiement inhabituel, il m’annonce, la voix nouée par l’émotion, que mon cher Delmas s’en est allé. “Comment? De quoi me parles-tu?” m’entendais-je l’interroger ? “Les inondations” répond-il. “Ce n’est pas possible!” murmurais-je. Frappé de stupéfaction, mon téléphone m’échappe des mains. Je me rassieds, tétanisé, basculant dans l’incrédulité.
Les images du visage sourieur de Delmas m’assaillent. Je n’arrive pas à les chasser. Delmas est un ami de 20 ans. Quand en 1997 je quitte la cité universitaire de Vridi pour me loger moi-même dans le même quartier, j’ai vite été remarqué par un jeune homme qui visiblement voulait faire la conversation avec moi. Du moins, il essayait. Je le trouvais timide. A l’apparence, il était plus âgé. J’avais quitté ma vie d’étudiant. Nous finissons par devenir amis. Si amis qu’il entra dans ma famille et en devient un membre. Quand j’eus mon premier fils Marcel-Dussud, Delmas était à nos côtés, Sylvie et moi. Veillant, quand j’étais absent, à ce que ma petite famille n’éprouve nulle gêne ni ne soit dans le besoin.
Je rappelle que pendant cette période, mon père fut gravement malade. Il a fallu l’évacuer sur Abidjan. Mon père résida avec moi avec la maison durant le temps de sa maladie. Et là, Delmas par sa générosité naturelle, conquit le cœur de mon père. Ils sont devenus si proches que c’est plutôt Delmas qui l’accompagnait désormais au Chu de Treichville où il se faisait traiter. A peine rétabli, mais assez affaibli cependant, mon père demanda à retourner au village. J’étais réticent à l’idée de le laisser conduire le nouveau véhicule qu’il venait d’acheter. Delmas se proposa spontanément de faire le chauffeur pour mon père jusqu’à Ferké et de faire le chemin retour en autobus. Delmas était devenu le confident de mon père qui, en retour, le considérait comme un fils. C’est quelques temps après que mon père nous a quittés. Je m’étais promis que le jour où j’écrirai mes mémoires, sur la partie concernant mon Père, Delmas allait m’être d’un grand apport. J’ai procrastiné. Hélas Delmas vient de le rejoindre tragiquement sans m’avoir tout dit de leurs instants de complicité et de ses pensées.
Je pense à ce Delmas que j’ai tant aimé, qui m’a suivi de Vridi à l’Assemblée nationale, dans la discrétion et le sérieux, et j’ai le cœur lourd. Sérieux il l’était. Rigoureux aussi. Le personnel de l’Assemblée nationale pourra témoigner de cet homme calme et presque effacé. Pas un seul mot de travers quand il prenait la parole. Et pourtant il était doté d’une grande force intérieure, lui l’expert rompu aux arts martiaux.
A la dernière réunion à mon domicile, il me parlait encore de nos projets à mener, de nos chantiers en instance, des défis qui nous attendaient. Et il savait être insistant avec moi, quand il était convaincu. Devrais-je croire que ce sont les meilleurs d’entre nous qui s’en vont ? La mort, c’est quelque chose! Elle vous frappe de la façon la plus brutale et la plus inattendue. Notre douleur est indicible, moi et tous ceux qui, dans cette tragédie, ont perdu des proches, des êtres chers. Tous, nous avions tant de projets à mener ensembles, tant de rêves à partager. Seigneur Dieu, de ton trône céleste, voit notre souffrance et entend la supplique de tous les Ivoiriens qui sont frappés par ce drame ».

L’électricité coupée dans certaines zones sinistrées

Les dégâts occasionnés par les inondations à Abidjan se chiffrent probablement à plusieurs dizaines de millions de Francs Cfa. Le courant a emporté de nombreux véhicules sans que les propriétaires puissent avoir le temps de les sauver. Des murs et clôture de plusieurs villas ont également cédé sous le poids des pluies diluviennes qui se sont abattues sur la capitale ivoirienne dans la nuit du lundi à mardi. Parmi les dégâts, de nombreuses installations de la CIE, la compagnie ivoirienne d’électricité endommagés. Pendant ou même après les fortes précipitations, plusieurs quartiers de la capitale économique ont été privés de courant, en raison de dommages causés par la pluie sur certaines installations du fournisseur d’électricité en Côte d’Ivoire. Les zones concernées par ces perturbations sont Bingerville, Riviera Palmeraie, Akandje, 2 Plateau Versant, Djibi, Riviera Bonoumin, Feh Kesse, Gesco, Kilomètre 17, Bassam Les Rosiers, Williamsville, Brimbresso. La compagnie ivoirienne d’électricité est également à pied d’œuvre pour un rétablissement rapide du courant dans ces zones privées d’électricité en raison de certaines pannes techniques. Aucun délai n’a été indiqué par la Compagnie ivoirienne d’électricité, mais le rétablissement intégral du courant dans toutes ces zones risque de prendre probablement quelques jours. Le niveau des eaux est toujours haut dans certaines zones, ce qui ne facilite pas les missions de sauvetage. Certaines voix qui étaient inaccessibles ont été désormais dégagées et ouvertes à la circulation.

Une semaine dangereuse à Abidjan ?

Si les pluies diluviennes tombées dans la nuit du lundi à mardi ont fait d’énormes dégâts, les services de météo annoncent encore de nouvelles intempéries qui risquent de durer toute la semaine. Les personnes habitants dans les zones sinistrées sont donc par mesure de prudence priées de délaisser ces lieux pour des endroits plus sûrs. Le Pont de Bonoumin a été dans la matinée complètement engloutis par les eaux pluvieuses, il était presqu’invisible à certains endroits. Ce pont qui relie André Malraux au centre commercial Abidjan Mall a été sérieusement endommagé dans ces inondations. Quant au pont situé à l’entrée des résidences Espérances dans la commune de Cocody a lui aussi été sérieusement endommagé par la montée des eaux pluvieuses. Si l’on se fie aux prévisions météorologiques, ces ponts pourraient d’un moment à l’autre céder complètement sous le poids de nouvelles précipitations. L’usage de ces ponts est donc actuellement déconseillé par aux automobilistes pour leur propre sécurité. Plus inquiétant encore, plusieurs vidéos amateurs ont montré la dangerosité des eaux avec la présence remarquée de plusieurs reptiles. Avec les fortes pluies tombées dans la nuit du 18 au 19 juin, la marée est montée, ce qui a permis à certains reptiles de quitter leur espace ordinaire. Aucun cas d’agression par des crocodiles n’a encore été signalé mais les populations sont toutefois appelées à la prudence, surtout celles vivant dans les zones sinistrées. Des dizaines de familles ne pourront hélas pas regagner leur domicile avant quelques jours puisque le niveau d’alerte reste toujours élevé dans les zones sinistrées. Si plusieurs quartiers de Cocody ont été particulièrement touchés par ces inondations à Abidjan, la commune d’Attecoube a elle aussi souffert le martyr dans la nuit du lundi à mardi. Des inondations ont également été signalées à N’douci, quartier Habitat et Dallas dans la matinée. Le groupement des Sapeurs-Pompiers Militaire a réussi à mettre en sécurité 25 personnes qui étaient piégées par la montée des eaux dans cette localité.

Risques d’inondations à Abidjan pour cette semaine

L’office Nationale de la Protection Civile (ONPC) a annoncé dans un communiqué ce mardi 19 juin que les fortes pluies tombées ce mardi à Abidjan pourraient se poursuivre durant toute la semaine. D’après l’ONPC, les prévisions météorologiques ont évalué le risque d’inondation à 98% rien que pour cette journée du mardi. Pour le mercredi 20 juin, les risques d’inondations dans la capitale ivoirienne tombent à 60% ce qui indique une baisse de l’intensité des précipitations. Mais à partir de jeudi, le risque passera à 80% et atteindra un seuil critique d’après les prévisions de la météo pour la journée du vendredi. (92% de risques d’inondations). Le week-end à venir risque d’être pluvieux car le risque d’inondation est évalué par les services de la météo à 95%, soit 3% près celui que la capitale ivoirienne a connu ce mardi. Face aux risques, les populations sont invitées à prendre quelques dispositions élémentaires pour éviter des dégâts importants. En cas d’inondation, il est vivement demander de couper l’électricité et d’éviter l’usage d’appareils électriques. L’ONPC déconseille également aux automobilistes d’avoir recours à leur voiture dans les zones extrêmement touchées par les inondations, au risque d’être emporté par le courant.

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