La crise anglophone au Cameroun semble avoir pris la direction de l’apaisement.
C’est tout du moins ce que laisse entrevoir les dernières décisions prises par le gouvernement de Yaoundé. Au regard de la tournure que prenaient les évènements, il était temps de poser un acte fort. Le geste de l’Etat peut être perçu comme la volonté manifeste de trouver une issue politique à la crise. Cependant le processus de libération des leaders anglophones n’est pas satisfaisant pour tous.
Sur la cinquantaine de prisonniers une trentaine a été libérée. La joie n’est donc pas totale dans les régions anglophones. Certaines familles devraient encore attendre pour jouir de ce qui apparait désormais comme une grâce présidentielle. Comment s’est passée la libération des leaders anglophones ? Que peut-on espérer de ce geste ?
Les derniers soubresauts d’une longue crise
La crise anglophone du Cameroun renvoie à la velléité sécessionniste de la partie ouest du Cameroun. Dans cette partie en majorité anglophone l’on trouve des agglomérations telles que Bamenda et Buea. Depuis l’indépendance cette région tente de se séparer du Cameroun ou tout au moins de fonctionner comme une fédération. Après des années d’accalmie, cette crise a été de nouveau déclenchée en fin d’année dernière. Lors de ces grandes émeutes des leaders anglophones ont été arrêtés pour terrorisme. Depuis, ces contestataires sont en détention à Yaoundé et n’ont pu être relâchés malgré les demandes de liberté provisoire. En février et mars dernier, plusieurs autres émeutes avaient été déclenchées. Egalement, au début du mois d’août, la diaspora anglophone avait investi les ambassades du Cameroun en Allemagne puis au Canada pour brûler le drapeau national. Ce mouvement de radicalisation s’amplifiait quand le gouvernement a pris une décision salutaire cette semaine.
La première vague de libération
Selon des sources du ministère de la défense camerounais, 54 personnes sont inscrites sur la liste des détenus. Sur ces 54 détenus, le Tribunal Militaire de Yaoundé n’aurait libéré qu’une trentaine. Il resterait donc au moins 20 autres détenus en attente d’un jugement ou d’un relax. Parmi les contestataires mis en liberté figureraient les trois leaders principaux que sont l’avocat Agbor Balla, l’universitaire Fontem Neba et l’ancien magistrat à la Cour Suprême Paul Ayah Abine. Les autorités affirment que les 20 autres détenus restants devront attendre la prochaine audience pour espérer une sortie de prison. Cependant le SDF, un parti populaire dans la région anglophone affirme que 131 personnes seraient dans les geôles de l’Etat au lieu des 54 déclarés. De son côté, le gouvernement affirme que certains prisonniers qui ont été incarcérés pour détention d’armes ne sont pas concernés par la vague de libération.
Comprendre le geste de l’Etat
Le geste de Yaoundé pourrait être vu comme une volonté de trouver une issue politique à la crise anglophone. Le Président Paul Biya espère tasser la tension de plus en plus palpable. En outre, la vague de libération pourrait s’inscrire dans la crainte d’une paralysie des régions anglophones. En effet, l’année dernière les troubles ont occasionné l’arrêt des cours dans ces zones. A l’aube de la rentrée scolaire vaut mieux prévenir que guérir.
L’Etat camerounais vient de poser un geste d’apaisement et il gagnerait à l’élargir à d’autres prisonniers. La grâce présidentielle ne devrait peut-être pas catégoriser les prisonniers pour ne pas laisser un goût d’inachevé. Ce goût d’inachevé pourrait être le terreau d’une plus grande radicalisation. D’un autre côté, l’Etat compte sur la volonté des militants anglophones pour continuer l’apaisement enclenché par lui.