Côte d’Ivoire : la commémoration du 19 septembre qui divise

by Kan Frédéric

La commémoration du 19 septembre 2002 est un évènement qui tient une place de choix dans le cœur des autorités actuelles de la Côte d’Ivoire.

C’est un épisode charnier de la vie de la jeune nation ivoirienne, quel que soit le bord politique auquel on appartient.

Pour les dirigeants actuels cet évènement est qualifié de révolution, de lutte contre l’injustice et la xénophobie en Côte d’Ivoire. Cette rébellion ou plutôt révolution leur aurait permis de bâtir une Côte d’Ivoire plus équitable pour tous.
En revanche, pour l’opposition incarnée par le Front Populaire Ivoirien (FPI) c’est une triste date qu’il faut à peine mentionner. Tout au plus c’est une occasion de repentance que devrait saisir le régime actuel d’Abidjan. Malheureusement, celui qui symbolisait ce pardon, c’est-à-dire Guillaume Soro, n’aurait pas honoré l’esprit de ses récents discours.

Les Ivoiriens se souviennent comme si c’était hier

Dans la nuit du 19 septembre 2002, la Côte d’Ivoire a été réveillée par une guerre sans précèdent dans l’histoire de ce pays. Cette nation, naguère hospitalière et pacifique balança dans une violence qui fit de nombreuses victimes dont d’illustres personnalités du pays comme le ministre de l’intérieur de Laurent Gbagbo, Mr. Boga Doudou, et le Général Robert Guéi, ex chef de la junte militaire au pouvoir en 1999. Avec eux de nombreux Ivoiriens victimes d’une haine nourrie de part et d’autres pour des raisons diverses. Quinze années après, les rebelles d’hier sont au pouvoir et c’est à juste titre qu’ils commémorent ce conflit qui a vu bon nombre d’entre eux passés de vie à trépas.

Le pouvoir célèbre le 19 septembre en rang dispersé

La commémoration du 19 septembre 2002 n’a pas la même importance chez toutes les parties de la coalition au pouvoir. Hier 19 septembre 2017, c’était la commémoration du 15e anniversaire de la rébellion ivoirien qualifiée de « Revolution » par le Président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro. Le RDR, parti au pouvoir, n’a pas fait grands cas de cet événement. La preuve, presque tous les organes de presse qui lui sont favorables comme Fraternité Matin, le quotidien gouvernemental, ont préféré faire le compte rendu de l’Assemblée Générale de l’ONU tenu hier. Le président Alassane y était et devrait tenir en ce jour un discours à la tribune des Nations Unies. Par contre l’Union des Soroïstes, a eu une pensée particulière à l’endroit cet épisode de la vie nationale. Alain Lobognon, un des fidèles compagnons de Soro Guillaume fait acte de repentance en affirmant : « Nous avons commis de graves fautes ». Dans le même temps, Soro Guillaume lui-même s’en prend à Alassane Ouattara en des termes de moins en moins voilés. Il dit avoir pleinement assumé ce 19 septembre « au moment où d’autres manquaient de courage pour s’affirmer au grand jour ».

Le FPI crache sur les propos de Guillaume Soro

Pour le FPI de Laurent Gbagbo, aujourd’hui incarcéré à la Haye pour crimes contre l’Humanité, Guillaume Soro se paie la tête des Ivoiriens. En effet, le président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, a entamé depuis le mois de mai, une repentance qui avait séduit quelques optimistes du camp Gbagbo. Avec ses déclarations d’hier, ceux qui se méfiaient de cette repentance dite « électoraliste » aurait raison de se comporter ainsi. « Nous avons obtenu des CNI pour tous les Ivoiriens », « Notre combat a donné à la Côte d’Ivoire des élections justes », tels sont quelques propos tenus par Soro Guillaume sur son compte Tweeter. Pour le journal Le Temps, c’est bien là « la preuve que le pardon de Guillaume Soro n’est pas sincère ».
Ce 19 septembre 2017 a été diversement vécu par les Ivoiriens selon le bord auquel ils appartiennent. Pour les uns c’est le douloureux souvenir d’une guerre insensée et pour les autres c’est la nostalgie d’une révolution juste et salutaire. Il apparait donc clairement que la mémoire est sélective. Chacun efface de celle-ci tout ce qui peut remettre en cause son innocence présumée. Ne pourrait-on pas dire avec Nietzche que « Nul bonheur, nulle sérénité (…) ne pourrait exister sans la faculté d’oubli » ? Toutefois il faut bien se résoudre, un jour ou l’autre, à situer les responsabilités pour panser définitivement les plaies profondes qui continuent de déchirer le cœur des Ivoiriens.

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