Côte d’Ivoire : le camp Gbagbo a-t-il voulu tuer Philippe Mangou ?

Said Koyiami

Commencée le lundi 2 octobre, l’interrogatoire de la défense de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé a pris la vitesse de croisière.

Le témoin à charge Philippe Mangou continue de dire sa part de vérité en tant que Chef d’Etat-major de l’armée ivoirienne lors de la crise post-électorale. Après avoir donné l’air de régler ses comptes avec certains généraux, Mangou est en train d’assommer littéralement le camp de son ancien mentor.

Selon ses propos, le camp Laurent Gbagbo a voulu le tuer. Dans une déclaration fracassante, il affirme que l’attaque de son domicile ne peut être que l’œuvre du régime de Laurent Gbagbo. C’est une grande révélation en même temps qu’une grave accusation. Les carottes semblent cuites pour les accusés. Néanmoins, peut-on donner du crédit aux paroles d’un témoin plein de contradictions ?

L’attaque du domicile de Philippe Mangou porte la signature des FDS

Dans son témoignage d’hier, le Général quatre étoiles Philippe Mangou, a fait une grave révélation à propos de son assassinat manqué pendant la crise ivoirienne. En effet, au plus fort de la crise post-électorale en 2011, son domicile à Anokoi Kouté (Abidjan) a été attaqué par des éléments non identifiés. La semaine dernière, lors de l’interrogatoire de l’accusation, il était resté vague quant aux auteurs de cette attaque. Cependant il avait déjà insinué que c’était le camp Gbagbo qui a avait voulu le réduire au silence. Selon lui, lorsqu’il rapporta au président Gbagbo ce qui lui était arrivé à son domicile, celui-ci répondit : « J’ai ma petite idée là-dessus ». C’est donc tout naturellement qu’il porta l’estocade lors de son passage hier. « C’est le camp du président Gbagbo qui a attaqué mon domicile. Je le dis parce que quand j’ai proposé au président de démissionner, nous étions trois dans la pièce : moi, Blé Goudé et le président Laurent Gbagbo ».

Gbagbo l’homme autoritaire

Dans la veine de son accusation, le nouvel ambassadeur de la Côte d’Ivoire au Gabon et à Sao Tomé et Principe montre l’image d’un Gbagbo autoritaire et allergique à la contradiction. Il affirme : « A Abidjan, au cours du procès de l’ex première Dame, le juge lui a demandé : Mais pourquoi vous n’avez pas demandé à votre mari de démissionner ? L’ex première Dame Simone Gbagbo a répondu au juge : Mais si je lui disais de démissionner, il allait me gifler ». Pour toutes ces raisons le Général Philippe Mangou pense raisonnablement que c’est le camp de Laurent Gbagbo qui a voulu le tuer. Mais qui au juste ? Depuis le début de son témoignage, le Général a plus ou moins épargné Laurent Gbagbo en rejetant la faute sur ses collaborateurs ou en le désignant comme auteur « accidentel ». Mais dans ce cas précis, c’est bien Laurent Gbagbo et Blé Goudé qui sont directement visés par l’accusation.

Quel crédit donner au témoignage de Philippe Mangou

Selon les analystes comme Théophile Kouamouo, les déclarations de Philippe Mangou demeurent dans l’ordre de la parole pure. Elles n’ont toujours pas prouvé le plan commun, pilier de l’argumentaire de l’accusation. Aucune preuve matérielle (vidéos, audio, écrits) n’a été présentée par le témoin ni par l’accusation. Alors il est de bon sens de ne pas donner foi à de telles accusations fussent-elles celles d’un ancien CEMA. De plus le témoin ne cesserait de se contredire à tout moment. En effet, il affirme par exemple qu’il n’a pas combattu parce que ses hommes n’avaient pas de munitions. Pourtant quand Me Altit lui demande qu’aurait-il fait s’il avait eu des armes à sa disposition, il répond : « Je n’aurais pas combattu ». Que doit-on donc retenir ? Enfin le Général quatre étoiles assure ne pas savoir où se trouve le Général Dogbo Blé (en ce moment en prison). Pis, il déclare qu’il a toujours cru que c’est le Général Soumaïla Bakayoko qui était le leader de la rébellion alors que dans une vidéo de l’époque il vociférait que c’était Soro Guillaume.
Le Général Philippe Mangou semble avoir porté l’estocade au camp Gbagbo en l’accusant d’avoir voulu intenter à sa vie. Il révèle peut être ainsi des méthodes pas très catholiques de son ancien mentor. Au regard de sa position stratégique à l’époque, son témoignage est très précieux pour comprendre vraiment ce qui s’est passé en 2010 et en 2011. Malheureusement avec des déclarations contradictoires, il serait difficile de démêler le vrai du faux.

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