Mali : les jours de l’armée française sont comptés

Said Koyiami

En 2013 l’armée française, alors engagée sous le nom d’opération Serval, avait été perçue par une grande partie de la population malienne comme l’armée du salut.

Il y avait de quoi lorsque, aidée de soldats tchadiens et nigériens, elle avait largement contribué à bouter hors du territoire malien une horde de terroristes. Les djihadistes, tués, arrêtés ou éparpillés et la tranquillité revenue, les populations locales du nord et du centre avaient commencé à suffoquer de la présence française.

Les jours de l’armée française sont comptés au Mali. De fait elle serait devenue indésirable. De sérieux reproches lui sont faits au nom d’un certain nationalisme parfois oublieux des services rendus par le passé. Jugée trop invasive, l’opération Barkhane n’est plus la bienvenue sur tout le territoire malien d’où les nombreuses manifestations ces derniers jours.

Retour sur la goutte d’eau qui fit déborder le vase

Tout est parti de la nuit du samedi 30 septembre au dimanche 1er octobre. Cette nuit-là l’armée française avait mené des perquisitions à l’improviste pour cueillir de présumés terroristes. C’était l’action de trop pour une population qui trépignait de bouter hors de Kidal cette force devenue soudainement envahissante. L’offensive a été menée contre un certain Mahamadou AG Rhissa, membre influence du Haut Conseil pour l’unicité de l’Azawad. Grenade, démolition, incendie, tout y est passé pour faire sortir les hommes recherchés de leur cachette. Lors de cet assaut Mahamadou AG Rhissa a été arrêté et avec lui six autres individus soupçonnés eux aussi d’entretenir des liens avec des terroristes établis dans la frontière entre le Mali et l’Algérie. A la suite de cette intrusion inopinée, des femmes de Kidal sont sorties dans la rue pour protester contre la présence française au Mali.

Des manifestations éclatées contre Barkhane

Suite à cette marche de la protestation des femmes de Kidal, les hommes, en majorité des jeunes, sont rentrés dans la danse. Quelques jours après les femmes, cette fois ci toute la population est descendue dans la rue pour demander à Barkhane de plier bagages et rentrer chez elle. Le lundi 9 octobre, la protestation prit une autre tournure quand les jeunes manifestants se sont mis à caillasser des troupes de l’opération Barkhane. Dans les rues de Kidal, jeunes, vieux et femmes se sont bruyamment fait entendre. Ensuite ils se sont rendus devant le camp de la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA). Ce mouvement d’humeur se serait emparé d’autres villes du nord et même du sud pour des raisons similaires. En général les protestataires considèrent à présent Barkhane comme une force d’occupation. D’autres s’insurgent contre le pillage des ressources naturelles du pays dont les militaires de l’opération Barkhane se seraient rendus coupables. En somme c’est la fièvre du nationalisme qui s’est emparé des Maliens. Cette fièvre n’est pas prête de retomber si l’on s’en tient aux organisateurs de ces marches. Il ne serait pas question de s’arrêter tant que Barkhane ne partira pas.

Faut-il relativiser l’exaspération

Les marches de protestation et la prise en partie des forces françaises dénotent d’un certain nationalisme peut être archaïque et dangereux. Le nord Mali et en général le Mali doit sa stabilité actuelle aux forces françaises. La présence des militaires français dissuade fortement les terroristes qui ne peuvent que se jeter dans une guerre asymétrique désespérée. Faire partir Barkhane pourrait faire revenir les groupes djihadistes dispersés dans le désert entre le Mali, le Burkina, le Niger et l’Algérie. A moins d’être sûr de mettre en place une force locale apte à prendre le relais des français, il ne faudrait pas s’aventurer à offrir un retour inespéré aux djihadistes. A moins que cette vague de contestation ne soit une manœuvre de ces djihadistes ou des combattants indépendantistes Touaregs pour s’implanter durablement.
Des manifestations anti-Barkhane sont prévues ces jours-ci, particulièrement au nord Mali. La détermination des populations de Kidal est telle que l’issue sera fortement fâcheux pour les uns et les autres. L’opération Barkhane au nord du pays dérange en tout cas pour des raisons encore obscures. Nous ne pouvons que nous tenir à celle avancée par les contestataires à savoir le désir de voir partir une force d’occupation. Il faut au moins se demander d’abord si c’est le moment de faire partir les Français. Existe-t-il une force malienne capable de prendre le relais ?

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