Le problème de la fraude dans les concours d’intégration à la fonction publique n’est pas nouveau en Côte d’Ivoire. Depuis au moins deux décennies, la tricherie est régulièrement dénoncée par la population ivoirienne.
Malgré le temps et le changement de dirigeants, elle s’est durablement installée dans les mœurs locales au point de passer pour la norme. Aujourd’hui, concours rime aisément avec argent ou népotisme, de quoi à décourager les plus grands cerveaux que le pays a engendrés.
Pour bien faire, le ministre de la fonction publique Issa Coulibaly annonce la fin de la fraude dans les concours. Il assure vouloir mettre fin aux réseaux et aux tuyaux qui gangrène l’administration ivoirienne. Cependant pouvons-nous donner foi à une telle déclaration après les récents scandales sur les résultats des concours de la fonction publique ?
Il était bien temps
Depuis quelques années, la fraude au sein de fonction publique en Côte d’Ivoire est vue d’un mauvais œil c’est le moins que l’on puisse dire. Les agents de la fonction publique n’inspirent plus, en effet, le respect qui leur était dû avant le début des années 2000. Pour cause, la corruption au niveau des concours. Cette opinion est en grande partie fondée car l’obtention d’un concours ne se limitait plus au mérite mais aux moyens financiers ou au népotisme. L’on se rappelle encore du passage de Désiré Tagro au ministère de l’intérieur sous Laurent Gbagbo. Les Ivoiriens affirmaient alors, peut être par ironie, que tout son village travaillait dans son ministère. Avec le nouveau régime, les mêmes récriminations subsistent et la situation porte un nom : « Rattrapage ethnique ». Il suffirait désormais d’être un militant du RDR pour intégrer facilement la fonction publique. Les récentes affaires des noms à consonance nordique dans le concours du CAFOP et les rendements des étudiants de l’INFAS sont venues remettre en cause l’intégrité du processus d’intégration de cette fonction publique.
La bonne volonté du ministre de la fonction publique
Le nouveau ministre de la fonction publique, le sieur Issa Coulibaly affiche une volonté d’en finir avec la corruption dans les concours en Côte d’Ivoire. Dans le cadre d’une première réunion avec les membres de son nouveau cabinet, le ministre a sonné le glas des manœuvres de corruption au sein de son ministère. « Les prétendus tuyaux et autres réseaux c’est fini » a-t-il tapé du poing sur la table. Poursuivant dans son discours il déclare :
« Notre soucis constant doit être la recherche de la qualité, de l’efficacité, de la célérité dans l’attente du résultat. ».
Il fait bien de le dire en tout cas avec le triste rendement des fonctionnaires ivoiriens, qui parfois n’existent que sur le papier. Aucune ponctualité, aucune assiduité, aucun sérieux dans le travail, conséquence d’un laxisme dans les concours.
De l’acte à la parole il y a un grand fossé
Le discours du nouveau ministre de la fonction publique de Côte d’Ivoire sonne bien mais deux problèmes majeurs se posent :
Est-il bien placé pour mener une « guerre » contre les réseaux et les tuyaux ?
Pas si sûr si l’on s’en tient au passage de l’homme au niveau des douanes ivoiriennes.
« Quand on sait que des centaines d’ex combattants et militants du RDR ont été intégrés dans les douanes, voire les régies financières sans passer par les concours et la formation à l’ENA, comment peut-on atteindre la qualité des services et même appeler à la fin des tuyaux et autres réseaux à la fonction publique ? »
s’interroge un internaute. Le passé du ministre ne plaiderait donc pas en sa faveur dans sa lutte contre la fraude aux concours de la fonction publique.
Peut-on croire que les belles paroles seront appliquées ?
Dans un pays où la complaisance, le rattrapage ethnique et le militantisme politique sont les valeurs cardinales, il est difficile de croire au changement du système. L’exemple de Gnamien Konan, DG des douanes sous Laurent Gbagbo pourrait bien inspirer les plus sceptiques. De fait, malgré la bonne volonté du haut fonctionnaire et son travail exceptionnel, la magouille aurait continué de prospérer dans les douanes. Le même scénario serait apparu dans les autres ministères.
Nous pouvons saluer la volonté affichée du nouveau ministre de la fonction publique, Issa Coulibaly, mais le réalisme nous dit de rester prudents. Dans un pays où les mauvaises pratiques sont devenues des coutumes, il serait utopique de vouloir changer les choses par la volonté d’un seul homme. Ce qu’il faut peut-être changer d’abord c’est la mentalité des Ivoiriens, trop longtemps habitués à s’accommoder de la médiocrité. Pourtant l’émergence ne pourrait être possible qu’avec la promotion du mérite qui met en scelle les intelligences nationales.