OGM Afrique : le Burkina dit non au transgénique

Amani Georges

L’OGM était censé accroître le rendement agricole de l’Afrique mais le cas du coton au Burkina remet sérieusement en question le bien-fondé de l’agriculture bio. Plusieurs experts y voyaient un moyen de lutte efficace contre la famine qui dévore le continent noir. Mais cette euphorie pourrait vite céder place à la désillusion

Les organismes génétiquement modifiés rejetés au Faso

L’OGM gagne sensiblement du terrain dans plusieurs pays d’Afrique, mais pas au Burkina où le gouvernement vient d’opposer un non catégorique à la culture transgénique. En partenariat avec Monsanto, une société américaine bien connue dans le monde des biotechnologies, le pays des hommes intègres avait initié ses producteurs de coton à la culture génétiquement modifiée. Les résultats des premiers tests réalisés en 2003 avaient laissé les autorités du pays plutôt optimistes sur l’avenir de l’agriculture bio. Cinq après, le feu vert du gouvernement a été donné pour l’admission des Organismes modifiés dans le domaine agricole. Le coton dont les revenus sont cruciaux pour l’économie burkinabé était la première culture à se lancer dans le transgénique. Mais les espoirs des paysans et aussi du gouvernement seront très douchés par la mauvaise qualité des fibres de coton. Pourtant, ce pays est considéré comme l’un des plus grands exportateurs de la filière sur le continent. Au regard du désastre causé par le transgénique, le Faso fait marche-arrière et revoit sa position vis-à-vis de l’agriculture bio.

L’OGM se déploie timidement sur le continent africain

La réticence des Etats du continent noir à l’égard de la culture génétiquement modifiée disparaît peu à peu. A l’instar du Burkina, plusieurs pays africains se sont initiés à cette nouvelle tendance agricole très en vogue sur le continent asiatique. L’Ouganda, la Tanzanie et l’Ethiopie sont les trois Etats africains à consacrer les plus grandes superficies à l’agriculture génétiquement modifiée (respectivement 240 197 ha ; 168 537 ha ; 160 987 ha). Malgré ces milliers d’hectares cultivés, la surface de terre destinée à l’agriculture bio en Afrique reste encore très faible, comparativement à celle des pays industrialisés. Par contre, la zone Afrique remonte bien au classement lorsque les calculs se basent sur le nombre de producteurs par continents. Avec une proportion de producteurs estimée à 26% de la part mondiale, elle vient en deuxième position du classement juste derrière l’Asie. Cette hausse de la main d’œuvre agricole dans la culture bio souligne tout l’intérêt que les africains lui portent. Mais le Burkina pourrait bien altérer le regard des producteurs africains depuis que ce pays s’est résolu à tourner le dos définitivement à l’OGM.

L’Afrique face aux risques de l’agriculture bio

L’introduction du transgénique dans l’agriculture a été dans une certaine mesure très avantageuse pour les paysans africains. En termes de rentabilité, cela leur a permis d’augmenter considérablement leur production annuelle, et surtout sans déployer d’énormes moyens financiers. L’agriculture bio est certainement une alternative parmi tant d’autres pouvant permettre à l’Afrique de gagner le pari de l’auto-suffisante alimentaire. Mais les risques liés à l’usage des gènes sont bel et bien réels, même s’ils sont parfois marginalisés. Au niveau de la santé, l’utilisation du transgénique est un facteur qui pourrait rendre certains individus allergiques à des produits qu’ils consomment ordinairement sans grande difficulté. Les études ont aussi démontré que certains gènes, lorsqu’ils sont introduits dans les cultures, sont capables de contrer l’efficacité des antibiotiques. Ceux-ci n’auront donc aucun effet sur un patient soumis à ce traitement. Les risques environnementaux ne sont pas à exclure. La fertilité des sols et l’apparition de mauvaises herbes dans les cultures sont éventuellement des dangers auxquels s’exposent les adeptes de l’agriculture transgénique.

Le Burkina échoue dans son pari avec le transgénique

L’introduction officielle de l’OGM à la culture du coton en 2008 intervient suite à une phase expérimentale concluante lancée en 2003. Bien avant l’arrivée de l’agriculture bio, la qualité de la fibre de coton produite par le Faso était unanimement attestée par tous. Au cours de la campagne 1995-1996, la proportion de fibre jugée de qualité atteignait à peine les 20%. Mais dix ans plus tard, ce taux a été multiplié par 4 pour s’établir à 80% pour la campagne 2005-2006. L’avènement des organismes modifiés, grâce à une collaboration avec la société Monsanto, a sérieusement détérioré la qualité cotonnière du Faso. L’un des spécialistes de la filière coton, Gerald Estur qualifiait en 2012 de « catastrophe commerciale » l’intégration du bio dans la production agricole de coton en Haute-Volta. Pour la saison 2014-2015, la culture génétiquement modifiée avait atteint son paroxysme avec un taux de cotonniers transgéniques estimé à 73%. Au cours de la dernière campagne, ce pourcentage a cumulé une baisse considérable fixée à 20%. Ce recul évoque toute simplement le rejet de l’OGM par le Faso suite à la dégradation de sa fibre. Même si le retrait de la superficie burkinabè n’a pas une grande influence sur la proportion globale en Afrique, d’autres pays pourraient rebrousser chemin si les mauvaises expériences s’accumulent.

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