Les manifestations qu’elle a tenues, ces dernières semaines, ont poussé le régime kinois à revoir sa copie. Les accords du 31 décembre 2017 ont justement été initiés par l’Eglise Catholique dont certains membres sont devenus des épines dans le pied du gouvernement congolais.
Forcée à négocier, Joseph Kabila n’a eu de choix que de lâcher du lest à ses opposants. C’est dans cet ordre qu’il va procéder à la libération de certains prisonniers pour décrisper le climat socio-politique.
L’Eglise a obtenu la libération des prisonniers politiques Jean-Claude Muyambo et Eugène Diomi Ndongala. Ces libérations ont été rendues possibles grâce aux accords de la Saint-Sylvestre signés sous l’égide de l’église catholique. Elles font partie d’une longue série d’actions qui viseront à la décrispation progressive du climat politique en RDC. Annoncées depuis quelques temps, ces remises en liberté ne seront effectives que demain comme indiqué dans un communiqué ce lundi.
Jean-Claude Muyambo et Eugène Diomi Ndongala recouvrent la liberté
Annoncée depuis quelques semaines, la libération de Jean-Claude Muyambo et Eugène Ndongala sera effective ce mardi 20 février. Ils font partie de plusieurs centaines de prisonniers politiques détenus dans les geôles du régime Kabila. Leur libération est prévue dans les accords du 31 décembre 2017. Initialement, ils devraient sortir de prison le vendredi dernier, puis le samedi, et finalement c’est ce mardi qu’ils retrouveront parents et amis. Pour la classe politique congolaise, cette double libération contribuera à décrisper la situation politique en RDC. Toutefois, l’opposition estime qu’elle ne devrait être vue que comme un début et non comme une fin. Le président national du Mouvement du Peuple Congolais pour la République estime que la politique de décrispation vient juste d’être amorcée : « ça ne suffit pas encore parce que nous avons besoin que nos frères et nos sœurs qui sont à l’étranger puisse rentrer. Les sorties de prisonniers politiques emblématiques sont aussi importantes, pour qu’ils puissent être partie prenante à l’alternance. ». Le régime congolais, n’a pas la même lecture de la justice que le président national du MPCR. Mr Jean-Pierre Kambila, chef de cabinet de Joseph Kabila a déclaré : « Ceux qui pourraient être considérés comme prisonniers politiques sont en train d’être libérés les uns après les autres. Là où on n’est pas d’accord c’est de libérer des gens qui relèvent du droit commun. ». C’est dire combien l’opposition, si elle existe encore, n’a plus aucun crédit aux yeux du gouvernement congolais.
L’Eglise devenue la seule force d’opposition
Si depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies, l’Eglise congolaise s’oppose régulièrement aux pouvoirs en RDC, elle est devenue, ces derniers mois, la seule force d’opposition crédible. Après la mort de l’opposant Etienne Tschisekedi, il y a un an, les hommes de Dieu se sont vus investis d’une mission : celle d’être la voix de tous les sans voix, la voix du peuple. En décembre 2017 et en janvier 2018, des manifestations de fidèles catholiques ont ébranlé tout le pays. Les répressions dont elles ont été l’objet, ont provoqué une indignation internationale, jusqu’à faire réagir le Vatican. Le très influent archevêque Monseigneur Laurent Monsengwo est même sorti de sa réserve pour lâcher une phrase très dure envers le régime du Kinshasa : « Il est temps que la vérité l’emporte sur le mensonge systématique, que les médiocres dégagent et que règnent la paix, la justice en RDC. ». Aujourd’hui, c’est avec l’Eglise que Joseph Kabila mène des négociations pour se sortir du bourbier où il s’est empêtré. L’Eglise Catholique est devenue, par la force des choses, acteur de la crise politique au lieu de rester médiateur.
L’Eglise annonce d’autres manifestations
Les responsables de l’Eglise congolaise ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Malgré les sept morts enregistrés lors de la marche du 21 janvier dernier, les chrétiens catholiques prévoient d’autres manifestations éclatées dans tout le pays, dans les prochains jours. L’archevêque Fridolin Ambongo, remplaçant de Monseigneur Laurent Monsengwo à la tête de l’église catholique, a dit sa détermination à ne pas laisser l’injustice et le mensonge prendre le dessus en RDC. En adoptant de telles perspectives, les dirigeants de l’Eglise Catholique congolaise donnent l’impression de vouloir faire tomber le président Joseph Kabila. Ce dernier avait déclaré, le 26 janvier : « Rendons à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. ». Une façon pour lui de dire que l’Eglise ne devrait pas se mêler de ce qui ne la regarde pas.
Les chrétiens ne semblent pas prêts à appliquer cette maxime que Joseph Kabange Kabila a sortie de la Bible. Ils ont prévu d’autres manifestations d’envergure dans les jours à venir pour faire plier le régime de Kinshasa. Pour eux, il n’est pas question de se mettre en retrait de la chose politique. Au nom de la solidarité chrétienne envers les malheureux et les opprimés, l’Eglise Catholique entend battre le pavé jusqu’à obtenir satisfaction. Il se pose alors le problème de l’interférence de l’Eglise dans les affaires publiques. Le débat est relancé de plus bel, entre les partisans d’une Eglise loin de la politique et ceux d’une Eglise engagée en faveur des opprimés. Ce qui se passe en ce moment en RDC nous rappelle certaine époque de la société occidentale où c’était l’Eglise qui couronnait les rois.