Retour Laurent Gbagbo : de la joie et de la tension à Abidjan

Tim Mars
Par Tim Mars

Après dix années d’absence, Laurent Gbagbo a fait son grand retour en Côte d’Ivoire le jeudi 17 juin 2021, dans l’après-midi.

Il a été accueilli par plusieurs dizaines de ses partisans à l’aéroport, avant d’être escorté jusqu’à son ancien QG de campagne pour une brève allocution. Cette chaude journée a été marquée par des liesses populaires et quelques regrettables incidents.

Laurent Gbagbo est rentré en Côte d’Ivoire hier jeudi à 16H30, après dix années de procès à la Haye pour crimes contre l’Humanité. Ce retour a été fêté dans la liesse par ses partisans, dès l’aéroport Félix Houphouët Boigny. Plusieurs de ses proches et camarades de lutte l’y attendaient également. Parmi eux, Simone Ehivet Gbagbo, qui lui a presqu’arraché une accolade (il se murmure que l’ancien président ne voulait pas la voir à l’aéroport). Après avoir refusé de faire une halte sous le pavillon présidentiel à lui accorder par le chef de l’Etat Alassane Ouattara, en voyage ce jeudi, Laurent Gbagbo a pris la direction de Cocody. Son cortège, escorté par des militants en délire, à pieds ou à moto, a sillonné plusieurs artères principales de la ville d’Abidjan.

Dans son ancien QG de campagne de Cocody, l’ancien prisonnier de Scheveningen a tenu une brève allocution, visiblement en méforme. Il a d’abord demandé à pleurer ses morts, dont Aboudramane Sangaré, son fidèle compagnon de lutte et SG du FPI de 2011 à son décès en novembre 2018. « Je suis arrivé ici avec les larmes aux yeux parce que je n’étais pas là quand ma mère m’a quitté (…) Sangaré a organisé les obsèques de ma mère. Il n’a même pas attendu que je vienne lui dire merci, Sangaré est décédé, lui aussi, me fait beaucoup de peine », a regretté Laurent Gbagbo la voix étreinte par la douleur. Alors qu’il tenait son discours, de nombreux jeunes continuaient de chanter et de danser dehors.

Le RDR avait demandé un retour en toute humilité

Cette bonne ambiance a été constatée dans de nombreux quartiers d’Abidjan, dont Yopougon, une commune considérée comme le bastion du FPI. Là-bas, les jeunes ont envahi les places publiques, et surtout les « maquis » pour fêter comme il se doit le retour de leur mentor. Mais cette joie n’était pas partagée. Certains militants du RHDP, parti au pouvoir, ont manifesté leur mécontentement.  Ils demandaient un retour en catimini de Laurent Gbagbo afin de ne pas heurter les victimes pro-Ouattara. Dans la matinée de ce jeudi, quelques-uns, armés de gourdins et de machettes ont essayé de stopper les convois de pro-Gbagbo en partance pour l’aéroport (certains en provenance de l’intérieur du pays). Malgré l’intervention de la police, des camions ont été caillassés et des personnes blessées.

D’autres sympathisants de Laurent Gbagbo auraient été violemment attaqués au niveau de Yopougon Andokoi et Adjamé alors qu’ils se rendaient en différents groupes à l’aéroport. De nombreuses images ont circulé sur Internet, montrant des individus sérieusement amochés. Cette journée a été également marquée par de nombreux incidents entre pro Gbagbo et forces de l’ordre. Celles-ci avaient reçu pour consigne de disperser toutes les personnes qui souhaitaient se rendre à l’aéroport. Les policiers ont fait un usage de gaz lacrymogènes pour repousser la foule qui faisait mouvement vers l’aéroport Félix Houphouët Boigny. On a aussi pu voir des vidéos où des policiers pourchassent des pro-Gbagbo avec des matraques et des cordelettes.

Aucune perte en vie humaine ?

Selon le Front populaire ivoirien (FPI), une quarantaine de ses partisans avaient été arrêtés ce jeudi. Une information qui n’a pas été confirmée par le ministère de l’intérieur. Aucun dégât matériel majeur n’a été enregistré officiellement, ni de perte en vie humaine, malgré des rumeurs sur la toile. Cependant, force est de constater que le retour de Laurent Gbagbo, qui devait donner le top départ de la vraie réconciliation nationale, a réveillé les rancœurs. Qui sait ce qui se serait passé si l’auto-proclamé président des victimes de la crise post-électorale, Issiaka Diaby, avait finalement mobilisé les jeunes du RHDP pour aller arrêter Laurent Gbagbo à l’aéroport ?

Visiblement, la Côte d’Ivoire reste dans l’impasse. Les principaux leaders ne semblent pas vouloir se rapprocher. Alassane Ouattara a voyagé le jour du retour de Laurent Gbagbo et ce dernier a refusé son pavillon présidentiel. Ce qui n’est pas bon signe. On ne devait donc pas s’attendre à ce que leurs partisans se fassent la bise hier. Tout partira des chefs de file. C’est à eux de donner le ton et leurs bases suivront. S’ils continuent de se haïr mutuellement, la réconciliation nationale ne sera pas pour demain.

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