Le président élu renonce à se séparer de son entreprise, qui sera dirigée par ses deux fils aînés. Sans convaincre le directeur du bureau pour l’éthique gouvernementale.
Lors de sa conférence de presse, mercredi 11 janvier, Donald Trump a cédé la parole à son avocate, Sheri Dillon. Pendant dix bonnes minutes, elle a détaillé les dispositions que le président élu allait prendre. Afin de tenter d’écarter les soupçons de conflits d’intérêts entre sa fonction de chef d’Etat et son entreprise.
La juriste a ainsi expliqué que tous les actifs du milliardaire seraient transférés, avant le 20 janvier. Comme pour crédibiliser les dispositions, un empilement impressionnant de documents décrivant le fonctionnement juridique de la structure avait été disposé à côté du pupitre à partir duquel Mme Dillon et M. Trump s’exprimaient.
Recrutement de « conseillers en éthique »
La Trump Organization, cette nébuleuse non cotée en Bourse qui opère dans une vingtaine de pays à la fois. Dans l’immobilier, l’hôtellerie, les golfs ou les émissions de téléréalité, va donc être désormais pilotée par les deux fils aînés de M. Trump, Eric, 32 ans, et Donald Jr, 38 ans, ainsi qu’un associé de « longue date », Allen Weisselberg, 70 ans. En revanche, sa fille, Ivanka, actuelle vice-présidente du groupe, quittera ses fonctions, alors que son mari, Jared Kushner, a été nommé, lundi 9 janvier, haut conseiller auprès du nouveau président. « Don et Eric dirigeront la société de façon très professionnelle. Ils ne m’en parleront pas », a simplement assuré le magnat. Parallèlement, « aucun nouveau contrat à l’étranger ne sera conclu pendant la présidence Trump », a insisté Mme Dillon.
Pour appuyer son propos, M. Trump a affirmé avoir renoncé récemment à signer un contrat de 2 milliards de dollars (1,89 milliard d’euros) avec une entreprise de Dubaï. Le milliardaire vient également d’annuler des négociations avec des partenaires en Géorgie, au Brésil et en Azerbaïdjan, sur lesquels pesaient des soupçons de corruption. Par ailleurs, M. Trump a précisé mercredi que si des gouvernements étrangers étaient amenés à être clients de l’un de ses hôtels, il s’engageait à reverser les bénéfices au Trésor américain. Enfin, aux Etats-Unis, la société pourra négocier de nouveaux contrats, mais ceux-ci feront l’objet d’un « examen approfondi », a expliqué l’avocate. Le président élu a prévu de recruter, dans les prochains jours, des « conseillers en éthique », qui seront amenés à se prononcer sur d’éventuels conflits d’intérêts.
Trump contrevient à la loi américaine ?
En refusant de se séparer de son entreprise, préférant seulement faire un pas de côté, M. Trump ne contrevient pas à la loi américaine, mais il laisse en suspens de nombreuses questions, qui pourraient potentiellement surgir au cours de son mandat. « Le président élu ne doit pas être tenu de détruire l’entreprise qu’il a construite », a rappelé Mme Dillon.
Certes, mais les experts sur les questions d’éthique gouvernementale avaient prévenu que le seul moyen d’éviter les contentieux consistait à placer ses actifs dans un « blind trust », c’est-à-dire une société gérée par des personnes totalement indépendantes.
C’est ce qu’avaient fait en leur temps Jimmy Carter, Ronald Reagan, George H. W. Bush, Bill Clinton ou encore George W. Bush. « Le plan annoncé par le président ne remplit pas les normes suivies par chaque président depuis quatre décennies », a jugé Walter Shaub, directeur du Bureau pour l’éthique gouvernementale, lors d’une conférence à l’Institution Brookings. « Il doit céder ses parts. Rien d’autre ne permettra de résoudre ces conflits », a-t-il poursuivi, estimant que « vendre (sa société) ne serait pas un prix trop élevé pour le président des Etats-Unis ».