Corée du sud: le fils du patron de Samsung officiellement « suspect »

Laurence Guédé

« Nous avons décidé d’interroger M. Lee demain en qualité de suspect », a déclaré aux journalistes.

L’héritier présomptif de Samsung, Lee Jae-Yong, vice-président du groupe et petit-fils du fondateur, est officiellement considéré comme un « suspect ». Lee Kyu-Chul, porte-parole de l’équipe d’enquêteurs indépendants qui travaille sur l’affaire, précisant que celle-ci « se réservait la possibilité » de l’arrêter.

Une succession dans la force des choses

Lee Jae-yong avait pris la direction de l’entreprise de son père, M. Lee Kun-hee, victime d’une crise cardiaque en 2014. Les dons incriminés auraient été faits pour obtenir l’aide du gouvernement dans une négociation de fusion controversée entre deux sociétés Samsung. Cet accord a d’ailleurs été largement considéré comme l’élément qui a pu consolider le pouvoir de l’« héritier » de l’entreprise et faciliter son accession au sommet de la pyramide, par le jeu des parts de capitaux. Mais des actionnaires de C&T s’étaient opposés avec force à cette fusion, sous la houlette du fonds spéculatif américain Elliott, pour qui l’opération sous-estimait la valeur de la compagnie, lésant ses actionnaires.

De victime à suspect

Cette affaire de corruption qui a provoqué une crise politique majeure en Corée du Sud porte fondamentalement sur l’influence dont a joui une amie de 40 ans de la présidente Park Geun-Hye Choi Soon. Mais s’il est actuellement jugé pour avoir profité de ses relations avec Mme Park pour soutirer des sommes astronomiques aux grands conglomérats sud-coréens, qui ont versé des millions de dollars à des fondations privées créées par cette confidente de l’ombre. Dans une des ramifications de cette affaire à tiroirs, Samsung est soupçonné d’avoir soudoyé Mme Choi pour obtenir le feu vert du gouvernement à une fusion controversée en 2015. Cette opération avait été perçue comme une étape cruciale pour assurer une passation de pouvoir sans histoire au sommet du groupe, au profit de Lee Jae-Yong. Cheil Industries, la holding de fait du groupe, avait racheté C&T, filiale de Samsung présente dans le commerce et la construction.

Le patron de Samsung est désormais le principal suspect dans l’actuel scandale de corruption généralisée qui secoue la Corée du Sud depuis quelques mois. Mais Lee admet qu’il a accordé des cadeaux pour des millions d’Euros, y compris un cheval d’une valeur de 800 000 d’euros offert à la désormais célèbre confidente de la présidente de Corée du Sud. Le patron de Samsung a admis en décembre qu’il avait fait don de 20,4 milliards de Wons (18,5 millions d’Euros) à des fondations dirigées par Choi-Soon-sil, la « Raspoutine » de la présidente Park Geun-hye. Des procureurs spéciaux enquêtent actuellement sur la question de savoir si ces dons ont été faits pour obtenir une influence politique ou non.

Des révélations troublantes

Samsung est par ailleurs soupçonné d’avoir versé des millions d’euros pour payer la formation équestre en Europe de la fille de Mme Choi. Depuis plusieurs semaines, les enquêteurs ont interrogé à plusieurs reprises les dirigeants de Samsung. Et effectué des perquisitions dans les locaux du groupe. Mais les médias sud-coréens avaient annoncé que les enquêteurs comptaient entendre ce mois-ci Lee Jae-Yong. Aussi pour savoir s’il a ou non donné pour instruction aux dirigeants de Samsung Electronics. Afin d’effectuer des versements aux fondations de Mme Choi, pour s’assurer du soutien gouvernemental à la fusion controversée.

Lee a récemment affirmé à une commission d’enquête parlementaire qu’il n’avait été au courant d’aucun transfert. Mais son malaise et ses réponses toutes faites lors de cette audition publique avaient suscité l’agacement des élus, et les railleries du public. Premier conglomérat du pays, Samsung est celui qui s’est montré le plus généreux en donnant aux fondations de Mme Choi 20 milliards de wons (17 millions de dollars), suivi par Hyundai, SK, LG et Lotte. Le Parlement a voté début décembre la destitution de Mme Park, soupçonnée de collusion avec Mme Choi. La Cour constitutionnelle doit encore entériner ou non ce spectaculaire limogeage.

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