Finalement, l’agrobusiness en Côte d’Ivoire était trop beau pour être vrai, un écran de fumée derrière lequel opérait un vaste réseau d’escrocs et d’arnaqueurs. Pour aider certains ivoiriens à boucler leur fin de mois et à rentabiliser leur argent, plusieurs structures essentiellement basées à Abidjan avaient initiées depuis 2008 l’agrobusiness, un système de placements financiers dans le domaine agricole. Avec des retours sur investissement (RSI) souvent supérieurs à 200%, allant même au-delà de 500% pour certaines sociétés, nombreux sont les ivoiriens qui avaient succombé au charme de ces juteux placements financiers dans les plantations. Pour un montant de 400.000 francs CFA investi, certains souscripteurs pouvaient se retrouver avec des gains souvent estimés à 800.000 francs CFA, voire même plus d’un million de francs CFA selon les retours sur investissement proposés par les sociétés d’agrobusiness en Côte d’Ivoire. Environ 40.000 souscripteurs ivoiriens avaient placé leur fonds dans ces sociétés censées les rentabiliser en toute légalité. Mais selon le gouvernement ivoirien, l’agrobusiness, un système pyramidal qui existait depuis 2008, n’était qu’un vaste réseau d’arnaque mis en place par certains individus. A l’issue d’une enquête instruite par l’Etat ivoirien, huit responsables de ces sociétés d’agrobusiness ont été arrêtés fin janvier, mais la majorité des suspects sont toujours en cavale.
Le gouvernement aux trousses de 19 patrons dont Christophe Yapi
Lorsque l’arnaque de l’agrobusiness a été dévoilée au grand jour en janvier dernier, la réaction des autorités ivoiriennes ne s’est pas fait attendre. Après l’ouverture d’une enquête judiciaire, 8 responsables de sociétés opérant dans l’agrobusiness en Côte d’Ivoire ont été immédiatement arrêtés puis déférés à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan. Actuellement, 19 autres suspects font l’objet de poursuites judiciaires en Côte d’Ivoire parmi lesquelles figurerait Christophe Yapi, le patron de la société Monhevea.com. Très influent dans le milieu de l’agrobusiness, il est à ce jour le principal suspect dans le collimateur de l’Etat ivoirien. Pour endiguer ce réseau d’arnaque mis en place sous le couvert des sociétés d’agrobusiness, le gouvernement a également procédé au gel des avoirs des 27 sociétés, une décision qui avait suscité la grosse colère des souscripteurs ivoiriens fin janvier dernier. Ces derniers avaient manifesté le 25 janvier dernier devant la Banque du Trésor pour exiger de l’Etat ivoirien le paiement intégral de leurs investissements, d’autant plus que l’Etat qui a promis de rembourser les quelques 40.000 souscripteurs ivoiriens, s’est engagé à le faire « sur la base des fonds disponibles ». En d’autres termes, les souscripteurs risquent de perdre une bonne partie de l’argent qu’ils avaient investi dans ces sociétés, des investissements chiffrés à 66 milliards de francs CFA.
Le gouvernement accusé d’avoir détourné l’argent des souscripteurs à l’agrobusiness
Dans la gestion de ce dossier, le gouvernement ivoirien n’a pas échappé à la critique des souscripteurs ivoiriens. Ces derniers avaient manifesté le 03 février dernier, en raison de la décision du gouvernement ivoirien à les rembourser « sur la base des fonds disponibles », des fonds qui seraient estimés à 22 milliards de francs CFA selon le gouvernement ivoirien. Si cette décision venait à s’appliquer, les souscripteurs perdraient ainsi 44 milliards de francs CFA, soit environ le tiers de l’argent qu’ils avaient investis dans l’agrobusiness. Les souscripteurs ivoiriens accusent ainsi l’Etat de vouloir mettre la main sur une partie de leurs capitaux investis, raison pour laquelle ils avaient manifesté le 03 février dernier à Abidjan.
Comment le réseau d’arnaque a été démantelé par l’Etat ivoirien
Plusieurs situations irrégulières avaient éveillé les soupçons du gouvernement dans l’affaire des placements financiers proposés par les sociétés d’agrobusiness en Côte d’Ivoire. En premier il y’a d’abord la question des taux d’intérêts démesurés proposés les sociétés. Certaines structures proposaient aux souscripteurs des retours sur investissement dont les taux dépassaient parfois la barre des 500% de bénéfice. Par exemple, un souscripteur qui investissait la somme de 200.000 francs CFA dans les plantations, pouvait se retrouver avec 1.000.000 de francs CFA, voire même plus. Cas plus pratique, celui de la société Agrielivoire qui avait proposé en août dernier des retours sur investissement estimés à 900.000 francs CFA en 4 mois pour un placement de 400.000 francs CFA dans la culture des Tomates sur une terre cultivable de 1000 m². Cela reviendrait à un bénéfice de 150% garanti en quatre mois.
Autre point qui a éveillé les soupçons du gouvernement en plus des taux démesurés proposés, l’énorme fossé entre le nombre de personnes ayant souscrit à l’agrobusiness et la proportion de surfaces cultivables. Aussi, les souscripteurs n’étaient pas payés en raison de leurs investissements, mais plutôt avec les fonds des nouveaux adhérents, note le gouvernement dans son enquête. A cela, il faut ajouter que plusieurs sociétés opérant dans ce domaine étaient suspectées de collaborer avec des réseaux de blanchiment d’argent, comme pour dire que tout cela était trop beau pour être vrai.