La crise anglophone au Cameroun a atteint sa vitesse de croisière depuis quelques semaines.
Si au début la lutte ne concernait que les partis politiques et leurs militants, force est de constater qu’elle s’est propagée à l’ensemble du peuple anglophone. Avec l’ampleur qu’elle prend la crise, personne ne pouvait résister aux sirènes de la politique, pas même les hommes de Dieu. Ces derniers sont entrés dans le bal en dénonçant l’épuration ethnique que l’Etat camerounais serait en train de mettre en place.
Un génocide serait en préparation contre les anglophones du Cameroun. En tout cas c’est ce que laisse entendre les Evêques de Bamenda. Face à une telle accusation, le régime de Yaoundé ne pouvait ne pas réagir. A travers son ministre de la communication, Issa Tchiroma, il a apporté un démenti formel aux propos de ceux qui voudraient discréditer son gouvernement. Il ne serait pas question de laisser dire les gens, fussent-ils des élus de Dieu.
La répression sanglante des sécessionnistes
La crise anglophone du Cameroun et ses raisons a pris une autre allure en fin septembre lorsque des manifestations des populations du Nord-ouest et du Sud-ouest ont été sévèrement réprimées par les forces de l’ordre camerounaises. Le bilan de cette journée de manifestations n’est toujours pas clairement établi. Si l’Etat avance le chiffre de 6 morts, les organisations internationales parlent de 11 morts et les partis d’opposition plus de 30. Chacun maximise ou minimise selon les intérêts qui sous-tendent leurs actions. Ce qui est certain en revanche c’est qu’il y eut morts d’hommes et de nombreux blessés. Au lendemain de ces violences, les leaders anglophones ont parlé de crimes contre l’humanité et ont appelé la Cour Pénale Internationale à se saisir du dossier.
L’église se dit scandalisée
Suite à cette journée sanglante, l’Eglise des régions anglophones est montée au créneau le 6 octobre dernier pour dénoncer la barbarie de la part du gouvernement camerounais.
« Nous condamnons la barbarie et l’usage irresponsable des armes à feu contre les civils non armés par les forces de défense et de sécurité, même en réaction à des provocations »
ont affirmé les évêques des régions anglophones. Ils poursuivent en disant que
« C’est une manière subtile d’appeler à ce qu’on peut décrire comme une épuration ethnique ou un génocide… ».
Interrogées sur cette déclaration de l’Eglise de Bamenda, les autorités camerounaises ont fait savoir qu’elles réfléchissent à la réponse à apporter à ces accusations graves.
Le gouvernement crie à la manipulation et au mensonge
Hier mercredi, le gouvernement camerounais a réagi au travers d’une conférence de presse convoquée par le ministre de la communication, Issa Tchiroma. Celui-ci est d’abord revenu sur les accusations avant de dénoncer une tentative d’exacerber les tensions entre les populations : « N’est-ce pas une contre-vérité manifeste dont l’objet est de créer une tension et des antagonismes entre francophones et anglophones ? » se demande-t-il. Par la suite il prend la défense des forces de l’ordre qui n’aurait fait que leur travail, d’une manière professionnelle et républicaine face à des terroristes qui seraient manipulés par des personnes assoiffées de pouvoir. Pour finir il prévient les fauteurs de troubles en ces termes :
« Les pyromanes, les poseurs de bombes et tous ceux qui ont pris les armes contre la République, ainsi que leurs complices, seront traqués sans ménagement et traduits en justice pour répondre de leurs actes. ».
On ne peut pas être plus clair que le ministre Issa Tchiroma quant à la volonté de Yaoundé de mettre un terme à ce relent indépendantiste.
Avec la sortie des Evêques de Bamenda et donc des régions anglophones, c’est l’entrée de l’Eglise dans la crise qui s’est ainsi déclenchée. Les accusations contre le gouvernement étant graves, l’on imagine bien que ce dernier est dans l’embarras total quand on connait la portée de l’opinion du Vatican. La crise anglophone est plus que jamais dans l’impasse et le pouvoir de Paul Biya entre deux chaises. L’on risque bientôt de voir débarquer la Cour Pénale Internationale face à toutes ces allégations de crimes contre l’Humanité. Paul Biya dont on conteste le pouvoir sans partage, ne devrait-il pas penser à une alternative salutaire avant que les choses ne se gâtent ?