Côte d’Ivoire : malgré une large victoire aux sénatoriales, le RHDP inquiet

Tatiana Agostino

Plus de 6000 des 7010 grands électeurs ont pu déposer leurs bulletins dans les urnes pour choisir les premiers sénateurs de la République de Côte d’Ivoire. Sans surprises, la coalition au pouvoir, le Rassemblement des Houphouetistes pour la Démocratie et la Paix, a raflé la majorité des sièges pourvus par voie électorale. Il y a cependant un son dissonant dans ce concerto triomphal.

Malgré sa large victoire aux élections sénatoriales, le RHDP est très inquiet pour la suite des débats devant conduire à l’élection présidentielle de 2020. Le parti présidentiel et son plus gros allié, le PDCI-RDA, ont manqué d’inscrire, à leur tableau de chasse, certaines des grandes circonscriptions de leur fief électoral.

La coalition au pouvoir remporte une victoire écrasante

En dépit de la marche de l’opposition du jeudi, que l’opposition voulait décisive, les élections sénatoriales se sont déroulées sans grands bruits. La Commission électorale et son président contesté ont pu organiser ces élections si chères au pouvoir en place. Sur les 7010 grands électeurs désignés par la Commission, 6140 ont effectivement voté, soit un taux de participation de l’ordre de 87,5%. Quelques-uns de ces grands électeurs, dont le président de l’Assemblée Nationale, ont brillé par leur absence. Soro Guillaume aurait été empêché de voter par son programme trop chargé. Soit, comme on s’y attendait, en l’absence de l’opposition, le RHDP a raflé la majorité des sièges. Sur les 66 postes électifs disponibles, la coalition présidentielle en a récolté 50 et les candidats indépendants, 16. Ce quart de sièges remportés par les indépendants auraient pu rester anecdotique si quelques grandes circonscriptions n’étaient pas tombées dans leurs escarcelles.

Bouaké et Yamoussoukro, deux villes qui échappent au RHDP

Bien que les résultats des sénatoriales soient satisfaisants pour le pouvoir et ses alliés du RHDP, ils soulèvent des inquiétudes, et non des moindres. La carte géographique de la politique ivoirienne veut que le centre du pays, notamment Bouaké et Yamoussoukro, soit le bastion électoral du PDCI-RDA et donc du RHDP. Pourtant ce samedi, les partis du RHDP ont été battus par des candidats indépendants à Bouaké et à Yamoussoukro. C’est une douche froide pour les alliés qui ambitionnent de rester au pouvoir en 2020. Outre le Gbêkê et le district autonome de Yamoussoukro, les indépendants ont aussi battu le RHDP dans le Boukani, le Béré ou encore dans l’Agnebi Tiassa. Le RHDP a tout de même obtenu 415 bulletins favorables dans le district d’Abidjan, soit 100% des voix. Toutefois, cette victoire éclatante dans la capitale économique ne saurait occulter un certain malaise au sein des alliés.

On recherche déjà le bouc émissaire

Si tôt la défaite consommée, les responsables du RHDP cherchent déjà ce qui n’a pas marché. Sylla Soumaïla, président international du mouvement Jeunesse Panafricaine Démocrate (JPAD), proche du RDR, a sa petite idée sur le coupable. Dans une interview accordée aux confrères du journal d’actu ivoirienne Koaci, il pointe du doigt la responsabilité du PDCI. « Cette défaite est une honte pour le RHDP, et moi je le dis sincèrement, le PDCI n’a pas joué franc jeu » affirmait-il dans les colonnes du site internet Koaci. Il est convaincu que le PDCI joue double jeu et ne fait pas sa part du job. Il révèle, pour se justifier, que 90% des grands électeurs des régions du centre sont du PDCI-RDA.
Pour punir le PDCI-RDA, Sylla Soumaïla préconise le renvoi de tous ministres du parti du gouvernement. Au regard des enjeux qui sous-tendent cette alliance, il est difficile de voir ce souhait devenir réalité, maintenant. Pour beaucoup d’observateurs de la vie politique ivoirienne, cette défaite, dans certains bastions du RHDP, est un signal fort envoyé à cette coalition. Ce serait un signe de désamour, de plus en plus croissant, des Ivoiriens envers le parti au pouvoir. Dans le même temps, ces déconvenues illustreraient très bien les dissensions au sein de la majorité présidentielle sur la question de l’alternance en 2020.

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