Contexte actuel des OQTF en France : les obligations de quitter le territoire Français (OQTF) sont des mesures d’éloignement visant les étrangers en situation irrégulière. Cependant, leur exécution reste très faible : en 2022, seulement environ 7% des OQTF ont été effectivement appliquées, un taux à peine supérieur à 2021 et environ deux fois inférieur à celui de 2019 (12%).
Ce faible pourcentage s’explique par de multiples facteurs : lenteur des procédures, recours juridiques suspensifs, manque de moyens, et surtout des obstacles diplomatiques. En effet, la France se heurte à la réticence de certains pays à reprendre leurs ressortissants faisant l’objet d’une expulsion.
Par exemple, l’Algérie a refusé à de multiples reprises ces dernières semaines de laisser entrer sur son sol plusieurs de ses ressortissants expulsés de France.Ces difficultés rendent l’application des OQTF complexe, ce qui alimente un sentiment d’impuissance du gouvernement face à l’immigration irrégulière.
Réactions politiques et impasse diplomatique
Plusieurs responsables politiques ont récemment tiré la sonnette d’alarme. Lors de cette attaque, un Algérien de 37 ans en situation irrégulière, sous le coup d’une OQTF, a poignardé mortellement une personne et en a blessé sept autres. Or, cet individu aurait dû être expulsé plus tôt, mais Alger avait refusé “dix fois” de le reprendre, a dénoncé Bayrou, qualifiant ce blocage diplomatique d’“inacceptable”.
Ce cas illustre l’impasse diplomatique entre la France et l’Algérie : sans coopération du pays d’origine, les OQTF demeurent lettre morte. L’émotion suscitée par cette affaire a ravivé les tensions entre Paris et Alger et relancé le débat sur les moyens de pression à exercer pour faire respecter ces obligations. D’autres responsables politiques, de divers bords, appellent désormais à renégocier les accords de réadmission et à durcir le ton vis-à-vis des pays refusant de coopérer.
Le rôle des médias dans le traitement de ces affaires
Face à de tels événements, la couverture médiatique est intense. Chaque affaire impliquant un étranger sous OQTF fait les gros titres, alimentant l’indignation de l’opinion publique. La médiatisation de ces faits divers met en lumière les failles du système, mais peut aussi avoir des effets pervers. Les médias jouent un rôle d’information indispensable, mais ils sont conscients que leur traitement de l’actualité peut influencer les comportements. On se souvient qu’en 2005, en pleine vague d’émeutes urbaines, les chaînes de télévision avaient adapté leur couverture pour ne pas encourager d’effets d’entraînement. La télévision publique France 2 avait par exemple cessé d’annoncer le nombre de voitures brûlées par ville, ne communiquant qu’un total national, afin d’éviter une forme de surenchère ou de compétition entre émeutiers. Cette décision, partagée par d’autres médias, visait à ne pas exacerber la situation par la sur-médiatisation. Ce précédent historique montre que les rédactions peuvent s’autoréguler lorsque l’information, diffusée sans filtre, risque d’alimenter des comportements indésirables.
Comprendre l’effet copycat
Ce phénomène de mimétisme, connu sous le nom d’effet copycat, désigne la tendance de certains individus à imiter des actes déjà très médiatisés. En criminologie anglo-saxonne, on parle de « copycat crime » pour un crime commis en imitation d’un autre, « en particulier lorsqu’il a été sensationnel et très médiatisé ». Autrement dit, plus un acte fait l’objet d’une large couverture médiatique, plus il risque de faire des émules. Des personnes en situation précaire ou marginalisée, se reconnaissant dans le profil de l’auteur d’un crime très médiatisé, peuvent être tentées de reproduire des actes similaires. L’objectif peut être d’exprimer un mal-être, de défier l’autorité ou même de rechercher une forme de “notoriété” malheureuse. Dans le cas des OQTF, la crainte est que la surexposition médiatique de certains cas extrêmes inspire d’autres individus sous le coup d’une expulsion à passer à l’acte. Cet effet d’imitation a été observé dans d’autres contextes (émeutes urbaines, violences scolaires, suicides médiatisés), ce qui incite à la vigilance sur le traitement de ces affaires sensibles.
Quelle responsabilité pour les journalistes ?
Ces éléments posent la question de la responsabilité journalistique. Informer le public sur des enjeux de sécurité et de politique migratoire est indispensable dans une démocratie. Les faits (attaques, expulsions non exécutées, etc.) doivent être rapportés de manière transparente. Toutefois, les médias doivent trouver un équilibre entre information et sensationnalisme. Une couverture trop brutale ou répétitive, insistant sur chaque détail sordide ou chaque échec de l’État, peut involontairement créer un climat de peur ou encourager des vocations violentes chez des personnes fragiles. À l’inverse, minimiser ou passer sous silence certains aspects pour éviter tout émoi pourrait être perçu comme de la censure. Il appartient donc aux rédactions de mesurer l’impact de leurs choix éditoriaux. Cela implique de contextualiser les chiffres (par exemple rappeler que la majorité des OQTF ne débouchent pas sur des drames) et d’éviter de transformer les auteurs d’actes violents en “héros” médiatiques malgré eux. En somme, la médiatisation des OQTF doit s’exercer avec discernement : il s’agit d’informer sans attiser les flammes, afin que le débat public puisse avoir lieu en toute lucidité, sans encourager de comportements d’imitation ni de surenchère politique.
Source : IFRAP.ORG
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