« J’ai perdu 14 000 € à cause d’un brouteur » : le témoignage choc qui alerte sur les arnaques en ligne

Kohan Kioshiko

Les « brouteurs » ivoiriens sont devenus tristement célèbres pour leurs arnaques en ligne, notamment sur les réseaux sociaux. Profondément ancrés à Abidjan, ces cybercriminels exploitent la vulnérabilité des internautes, surtout des femmes âgées, pour leur soutirer de l’argent après avoir tissé des relations amoureuses virtuelles. L’histoire de Marie-Jacqueline, une retraitée française, est un exemple frappant de cette arnaque. À travers des échanges en ligne, elle a cru tomber amoureuse d’un soi-disant entrepreneur français.

Cependant, cet homme qui prétendait l’aimer et voulait bâtir une vie avec elle, n’était qu’un « brouteur » ivoirien

D’abord, ce dernier a demandé quelques virements pour prétendument débloquer une transaction. Mais au final, Marie-Jacqueline s’est retrouvée à avoir perdu 14 000 euros, dépossédée dans une histoire virtuelle qu’elle pensait être réelle. Un autre « brouteur », Cédric, se cachant derrière un faux profil sur Facebook ou Instagram, a confié à un journaliste que son gain peut atteindre 100 000 euros par mois. Exploiter des naïfs comme Marie-Jacqueline est devenu pour beaucoup une honteuse méthode d’ascension sociale, particulièrement dans un pays où le chômage frappe durement, notamment chez les jeunes. Les tragédies survenues, telles que la récente arrestation d’un « brouteur » à qui une sexagénaire a transféré 150 000 euros, montrent à quel point ces escrocs peuvent causer d’énormes préjudices. Nos témoignages révèlent à quel point ces victimes se sont laissées leur crédulité entraîner. Pourtant, sous leur masque souriant d’un père de famille, ces arnaqueurs ne cherchent que leurs profits. Les autorités ivoiriennes et les forces de l’ordre internationales continuent de lutter contre cela, mais malgré certaines arrestations et la mise en place de cellules spécialisées, la cybercriminalité demeure un fléau. Dans un monde où les relations virtuelles peuvent se transformer en pièges, les escroqueries des « brouteurs » continuent de semer peur et désespoir. pendant 25 secondes

Les arnaques orchestrées par les « brouteurs » se sont imposées comme un fléau en Côte d’Ivoire, mais aussi partout ailleurs. À Abidjan, de nombreux jeunes hommes, en manque d’opportunités professionnelles, se tournent vers des techniques d’escroquerie en ligne pour s’enrichir rapidement. Certains sont prêts à tout pour berner leurs victimes, souvent des personnes isolées ou fragilisées, à qui ils promettent monts et merveilles. Les sommes soutirées peuvent aller de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros.


« Comment ai-je pu me faire berner avec des échanges aussi absurdes ? »

Ces mots, lourds de regret, sont ceux de Marie-Jacqueline, une retraitée ayant cru à une idylle virtuelle durant la période de confinement. Elle raconte :

« J’échangeais sur Facebook avec un inconnu qui prétendait être un entrepreneur reconnu. Il me parlait avec une tendresse dont je ne me croyais plus digne. Ça me rassurait, alors je me suis laissé convaincre… »

Pendant plusieurs semaines, elle ignore que les clichés affichés par son interlocuteur ne correspondent pas au véritable individu. En réalité, il s’agit d’un faux profil, conçu en usurpant l’identité d’une personnalité publique. Séduite par les mots doux et les promesses de vie commune, Marie-Jacqueline en vient à lui transférer des fonds :

« J’ai perdu 14 000 euros. Cet argent devait assurer mes vieux jours. Je ne l’ai plus revu, et je n’ai même jamais entendu sa voix ».

Le prétexte avancé par l’escroc ? Des voitures prétendument bloquées à une frontière, nécessitant le paiement de faux frais de dédouanement. Petit à petit, la retraitée s’est retrouvée piégée par un stratagème affectif qui vise des gens en quête de réconfort.


Des escroqueries sentimentales en série

Chaque année, des centaines de Français – hommes et femmes – deviennent la proie de ce type d’arnaque. Les brouteurs s’épanouissent surtout en Afrique de l’Ouest, particulièrement à Abidjan, où beaucoup se spécialisent dans ce trafic. Pour en savoir plus, une équipe de reporters a tenté de rencontrer l’un d’eux, surnommé Cédric. Ses outils se résument à un ordinateur et un accès internet :

Évolution estimée de la cybercriminalité en Côte d’Ivoire (2010–2024)
AnnéeNombre de cas signalés (en milliers)Évolution annuelle estimée (%)
20101,2
20111,5+25 %
20121,9+27 %
20132,6+37 %
20143,2+23 %
20154,5+41 %
20166,1+36 %
20177,7+26 %
20189,4+22 %
201911,2+19 %
202013,8+23 %
202116,3+18 %
202218,9+16 %
202321,5+14 %
202424,2+13 %

Source : Cybercriminalité (PLCC) en Côte d’Ivoire et Cybercriminalité (OCLCTIC).

« J’utilise des photos volées sur les réseaux sociaux. Je personnalise chaque profil en fonction de la personne ciblée. Facebook, Instagram ou même les sites de rencontre : tout est bon pour trouver une victime », admet-il sans détour.

Pour renforcer la confiance, ces arnaqueurs n’hésitent pas à faire passer des images de proches ou à imiter des conversations vidéo, parfois en se taisant sous prétexte que leur micro est défectueux. Les personnes escroquées ont alors le sentiment d’échanger avec un individu bien réel et attentionné.


Le rêve d’une vie luxueuse

Avec les gains engendrés par ces fraudes, certains brouteurs amasseraient jusqu’à 100 000 euros par mois. Dans un pays à l’économie fragile, où le chômage touche une large frange de la jeunesse, ces profits illicites permettent un train de vie ostentatoire, notamment la nuit, dans les boîtes huppées d’Abidjan.

« Les gens dépensent sans compter : bouteilles de champagne, voitures de luxe, soirées interminables. Tous ceux qui font la même chose que moi se comportent ainsi », reconnaît Cédric.

La Côte d’Ivoire a bien mis en place une unité de lutte contre la cybercriminalité, mais les arrestations ne suffisent pas à endiguer le phénomène. En France, une cellule de gendarmes spécialistes est disponible en continu pour recevoir les témoignages et signalements. Toutefois, le plus grand obstacle reste le déni des victimes, souvent imperméables aux avertissements de leur entourage.


Quand l’arnaque vire au drame : un féminicide en France

Le mercredi 13 mars 2024, le procureur de Boulogne-sur-Mer a rendu publique une affaire tragique : dans la commune de Beussent (Pas-de-Calais), un homme mis en examen aurait assassiné sa compagne, convaincu qu’il pourrait ensuite « concrétiser » une histoire virtuelle entamée avec un faux profil. Ce fait divers illustre la manière dont les brouteurs peuvent, par leurs manipulations, déclencher des situations extrêmes.


Arnaques récurrentes et victimes multiples

  1. L’escroquerie aux sentiments
    • Une sexagénaire de Torcy (Seine-et-Marne) a versé 158 000 euros à un individu qui lui prétendait avoir besoin de régler des soins médicaux pour sa fille malade. Grâce à la plainte déposée, la police judiciaire de Meaux a interpellé un suspect ivoirien de 33 ans, finalement condamné à 30 mois de prison.
  2. Le faux avis de condamnation
    • Autre méthode bien rôdée : l’envoi massif d’e-mails frauduleux accusant la cible de pédopornographie ou de trafic sexuel, tout en lui demandant une somme élevée pour « classer l’affaire ». De nombreuses personnes, craintives à l’idée d’être salies auprès de leurs proches, se sont exécutées.
    • Une enquête confiée à l’Office central de lutte contre la cybercriminalité (OCLCTIC), avec le soutien d’Europol, a abouti à un procès à Paris. Quatorze Ivoiriens, nés dans les années 1990, ont comparu fin janvier : le parquet a requis des peines de prison, le délibéré étant encore en attente.

Un combat qui ne fait que commencer

Ces escroqueries virtuelles soulignent le grave défi que représentent les fraudes informatiques, la cybercriminalité en général et, parfois, la cyberguerre ou encore le cyberterrorisme lorsque des enjeux politiques s’en mêlent. Les « brouteurs » se nourrissent du désœuvrement ambiant, tandis que leurs victimes, souvent isolées, hésitent à reconnaître leur erreur par honte ou par peur.

Parmi les pistes de prévention, une meilleure sensibilisation du grand public et un partage rapide d’informations entre polices internationales semblent cruciaux. Tant que la précarité régnera dans certaines régions du monde, la tentation de l’argent facile demeurera, et de nouvelles affaires de ce type continueront d’alimenter la rubrique des faits divers.

Source :
> https://www.liberation.fr/societe/police-justice/quatre-histoires-de-brouteurs-pour-mieux-comprendre-les-cyberarnaques-20240316_RI2DLAS4SZGEJJE7I5YPDCYKSU/


> https://www.tf1info.fr/justice-faits-divers/reportage-video-ca-la-rend-plus-amoureuse-un-brouteur-devoile-comment-il-opere-depuis-la-cote-d-ivoire-2345471.html

Cotedivoire.News Logo
Partagez cet article